LE CAMPEMENT
Les bergers après avoir surveillé les troupeaux, rassemblé le bétail dans des enclos formés d’épineux, s’occupent de la traite des vaches. Les cuisinières finissent de préparer le repas (bouillie de farine de sorgho et d’arachides ou riz accommodé). On ne consommait que très rarement de la viande sauf lors des grandes occasions comme les mariages ou les invitations.
Hormis la préparation de la nourriture, les femmes consacrent leur temps à leur bébé, aux anciens, à la lessive mais aussi beaucoup à leur toilette et à leur coiffure.
Les enfants aident à attacher les veaux (cordes munies de colliers) ou à la corvée de bois.
Hommes et femmes mangent séparément. La nourriture est présentée dans un plat commun. Un autre repas sera pris le matin à l’aube. Durant la journée les mbororos croquent la noix de cola pour les aider à surmonter la sensation de faim et la fatigue.
Après le repas on se réunit autour de feux de camp et les personnes se déplacent souvent d’un foyer à un autre pour donner ou entendre des nouvelles de leurs proches. Chacun peut conter ses aventures de la journée. C’est un moment propice également pour évoquer des souvenirs concernant l’histoire du clan ou des familles.
L’oralité est la règle en matière de transmission des vécus.
Mais la nuit ne fait parfois que commencer pour les plus jeunes qui doivent se rendre à une invitation de danse organisée par un clan voisin. La plupart d’entre eux regagnent cependant leur case pour y trouver un sommeil bien mérité.
L’ossature de ces cases est constituée par des arceaux en bois souples entrecroisés et supportant d'épaisses touffes d’herbes sèches qui en assurent l’étanchéité. Des nattes sont étendues à même le sol. Quelques meubles rudimentaires permettent le rangement d’effets personnels : vêtements, boîtes de verroterie, outils de coiffures, de toilette, ustensiles de cuisine, dessous de plats ou calebasses. Les mortiers ou les pilons, les sacs de riz ou de sel restent à l’extérieur, protégés de la pluie, des insectes ou de la poussière par des bâches.
Des torches électriques ou des lampes à pétrole suffisent pour s’éclairer. Il n’y a pratiquement aucun poste de radio. Quelques vieux bidons servent à stocker l’eau. On ne boit pas d’alcool, ni ne fume de tabac. On dispose cependant de quelques provisions de noix de cola.
Ces campements ont une existence temporaire. Le piétinement des sabots, l’utilisation du bois, les pollutions diverses, animales ou humaines, la raréfaction des végétaux consommés par le bétail, les besoins en eau rendent à terme les déplacements nécessaires. Le plus souvent, au début et à la fin de la saison des pluies (avril-mai et septembre-octobre) ou à la fin de la saison sèche froide (février).
LES DANCES
Les jeunes organisent des danses entre membres de clans différents. Car leur existence, en apparence tranquille, reste néanmoins rude. Or ces moments sont toujours des temps de réjouissances et de rencontres. Elles se tiennent le plus souvent lors de la saison sèche et commencent à la tombée de la nuit.
Les mbororos apportent un soin particulier à leur esthétisme. Nombre d’entre eux se parent de colliers de cauris ou de perles, d’amulettes, de bracelets, de petits miroirs. Ils portent des coiffures composées de tresses cerclées d’anneaux de cuivre et surmontées de plumes. Certains se maquillent et ont le visage scarifié. Ils pratiquent également les techniques de piercing. Ils tiennent entre leur main qui un bâton, qui une lampe ou un éventail.
Les garçons et les filles se font face, rangés sur deux files distantes d’une trentaine de mètres. Les plus effrontés, en couple, s’avancent vers les sujets de l’autre sexe et se font raccompagner vers leur ligne d’origine et vice-versa. Les jeunes garçons (soukas) escorteurs s’arrêtent net devant la ligne opposée, se contorsionnent au niveau des épaules et du torse, plient légèrement les genoux, puis virevoltent sur eux-mêmes pour repartir en sens inverse, toujours en dansant. Ce ballet incessant dure parfois plusieurs heures, rythmé par les sons d’un ou plusieurs petits tambours. Des nuages de poussière, soulevés par les coups répétés des pieds sur le sol, embrument l’atmosphère comme seul un vent d’harmattan peut le faire.
Un ou plusieurs aînés, les koris, sont chargés d’éviter tout débordement. Ils se distinguent facilement des soukas par leur
crâne rasé et l’absence de toute parure esthétique.
Ces moments intenses au cours desquels les deux sexes apprennent à se découvrir - certaines jeunes filles peuvent accorder « leur faveur » - facilitent l’intégration des adolescents dans la culture nomade et paradoxalement l’acceptation de ses contraintes. L’adoption des valeurs et des règles prônées par la communauté reposent sur ces phases de grande liberté vécues par cette classe d’âge.
Il existe des évènements aux cours desquels des « soukas » appartenant à deux clans rivaux ou à des ethnies mbororos différentes, se mesurent lors d’un jeu brutal « le soro». Les participants reçoivent des coups de bâtons distribués par leurs adversaires.
Le bâton frappe la poitrine dénudée du jeune homme sous le regard vigilant des aînés et les forts encouragements vocaux à les supporter des membres féminins de son clan. Puis les rôles s’inversent.
Celui qui résiste à un maximum de coups est déclaré vainqueur. Le courage et la résistance physique dont il a fait preuve le désignent aux yeux des filles comme le meilleur des cavaliers servants. Cet évènement dure plusieurs jours, ponctué de danses et de joutes. Il s’apparente à une fête. L’organisation des « soros », suite à des accidents, est en principe interdite par les autorités camerounaises. Mais de tels rassemblements ne sont pas rares car ils se rattachent à des rituels anciens.